Dans le Ménexène de Platon, l’Athènes démocratique est représentée et se représente elle-même comme différente de toutes les cités étrangères et comme supérieure à elles. Cet athénocentrisme ironique n’a pas échappé à la plupart des commentateurs du dialogue. Mais Platon ne s’arrête pas là : ma thèse est que, dans le discours même où Athènes prétend se distinguer des peuples étrangers, qu’il s’agisse des Barbares ou des autres Grecs, Platon annule ces différences en montrant qu’Athènes partage en réalité les traits qu’elle prête à ses ennemis. En d’autres termes, par un jeu discret de tensions et de déplacements, Platon porte l’athénocentrisme à son comble et le détruit en même temps, que ce soit dans le prologue du dialogue ou dans l’oraison funèbre centrale prononcée par Aspasie et rapportée par Socrate. Est ainsi posée indirectement dans ce dialogue la question de savoir ce qu’est la véritable différence politique. C’est ce double jeu simultané d’édification et de destruction d’oppositions entre Athènes et les autres cités que je me propose d’examiner dans les passages du Ménexène où les étrangers sont mentionnés.